11 septembre 2025 - Commentaires fermés sur Journée 1 : la déformation d’Aïkido

Journée 1 : la déformation d’Aïkido

« Réduire l’enseignement à la transmission de formes exécutées rigoureusement, dans le culte exclusif de la forme »

Voilà quelle est la déformation qu’il nous faut bien examiner d’abord.

Une définition par la négative donc :  l’apprentissage et la répétition de formes, aussi variées et sophistiquées soient-elles, n’est pas Aïkido.

Nous écouterons à ce sujet le point de vue de Georges Stobbaerts sur les dérives de l’Aïkido dans un texte publié en 2004, tiré de son livre autobiographique « Mémoires du Maroc ».

Cette désacralisation identifiée par Stobbaerts, je la nomme souvent « horizontalisation », pour indiquer la perte de la dimension de « Verticalité » qui doit être présente lorsque l’homme se relie à une réalité plus profonde que celle qui tombe sous ses sens physiques. On pourrait décrire cette autre réalité comme « sacrée », si le mot ne venait chargé d’un cortège d’images et de connexions sémantiques qui l’alourdissent et le connotent.

On peut donc préférer « relié » - sans trop dire à quoi -  ou « Terre-Ciel », comme le faisait Me Stobbaerts, pour symboliser l’intention de ne pas perdre une axialité, une fidélité à l’essence de ce qu’a donné M. Ueshiba à l’origine, comme retour à un « vrai Budo ».

Quelques points à noter à ce sujet :

  • Cette « désacralisation » a lieu dès les premiers moments, au Japon, dans l’effort de normalisation organisé par l’Aïkikai, tout comme en Europe, faute de compréhension profonde, dans une vision toute extérieure et réductrice d’un travail impliquant le corps, assimilé à un sport…
  • Le développement quantitatif prôné par l’AÏkikaÏ l’a alimentée, car cela supposait de mettre Aïkido dans une présentation acceptable par les Occidentaux, et finalement de le « moderniser », en donnant à ce mot toute sa force péjorative, c’est-à-dire d’assimiler dans la modernité ce qui ne peut pas lui « appartenir », ce qui lui est étranger, précisément cette dimension de l’homme qui lui échappe, ou qu’elle nie activement, disons le Terre-Ciel de la Tradition extrême-orientale.
  • D’autres écoles et groupes se sont placées pour diverses raisons hors du champ général promu par l’AïkikaÏ, ou aux confins du modèle fédératif à la française, autour de l’héritage d’une personne, d’une incarnation spécifique de l’Aïkido, refusant son uniformisation :
    • Gozo Shioda, dont un disciple, Jacques Muguruza, enseignait à Vélizy (peut-être encore…) ;
    • Kazuo Chiba, qui enseignait en Californie, présent en France à Paris au Dojo de L’Est Parisien ; quelques amis du GCERCCE y sont aujourd’hui ;
    • Koichi Tohei, et son école Shin Shin Totsu Aïki, pionnier de l’Aïkido aux USA ; auquel faisait beaucoup référence M. Soulenq et son GCERCCE ;
    • Mitsugi Saotome , lui aussi aux Usa, mais sur la côte Est et dans le Midwest ;
    • Morihiro Saïto, le Takemusu Aiki, présent en France à Rennes ;
    • Masamichi Noro, qui a fondé le Kinomichi et s’est ainsi écarté de l’emprise de l’AÏkikaÏ dont il était le représentant en Europe ;
    • Georges Stobbaerts, qui a développé au Maroc et au Portugal son Aikido Tenchi et le Tenchi Tessen;
    • Le GHAAN d’André Noquet, une famille très autonome, présente à Meudon depuis 25 ans avec Christian Heydecker ;
    • André Cognard et son Académie Autonome d’Aïkido Kobayashi, et Charles Abelé et son école AikiRyu, tous deux marqués par Kobayashi Sensei.

(Pour notre part, nous héritons plus directement de Koichi Tohei (par Michel Soulenq), de Mitsugi Saotome et de son enseignement reçu aux USA en 1983-1984 par Hiroshi Ikeda, de Morihiro SaÏto, et de son enseignement reçu en Australie par Barry Knight en 1984-1985, de Masamichi Noro par la fréquentation de nombre de ses élèves, et de Georges Stobbaerts, rencontré en 2012 et de son Tenchi Tessen.)

  • La dégénérescence a été le fait d’enseignants qui n’avaient pas conscience de la richesse de l’héritage, et l’ont donc réduit à leur propre compréhension, ne faisant pas le travail le plus fondamental d’Aïki, qui est de se placer hors du champ de la modernité :
    • pour la modernité, l’homme est un animal doué d’un cerveau pour saisir le réel et concevoir ainsi la réalité comme l’objet de cette saisie ;
    • pour l’homme d’Aiki, l’homme est intimement relié à l’Univers et la Réalité est Une, bien au-delà de son appréhension dualiste par le corps et les sens physiques.
  • Il n’y a pas pour autant nécessité d’une « sacralisation » artificielle, et de faire du New Age… ce « relié » émerge d’une sincérité dans la quête dans la forme d’un "au-delà de la forme". Cette conscience évoquée aujourd’hui qu’Aïki n’est pas réductible à la forme en est le premier pas, et ne doit jamais être perdue de vue.

Qu’est-ce donc qui permet, pour l’enseignant, d'évoquer cet au-delà des formes : faire résonner son enseignement de principes qu’il a lui-même reconnus, derrière les formes...

Texte de G. Stobbaerts, traduit du portugais, dans le chapitre sur Noro de Mémoires du Maroc

« J’ai compris un jour que Noro faisait ses exercices (Funa Kogi Undo) pour se purifier.

Je réalisais alors qui si les techniques pouvaient être assimilées en quelques années au travers d’un programme, ce qui compte AVANT TOUT sont l’état d’esprit et l’orientation dans lesquels on les exécute.

Aujourd’hui, dans l’Aïkido, dans le monde entier comme au Japon, on parle de Me Ueshiba comme d’un personnage mythique. On met sa photo dans le dojo, on le salue, mais bien peu (et déjà de son vivant) étaient ceux qui avaient compris ses enseignements – ou même la signification profonde de certains mouvements, qui cachaient un enseignement « intérieur ».

Aujourd’hui la majorité des professeurs ne cherche rien d’autre qu’une efficacité technique. Ils ne comprennent pas la signification « interne », ésotérique, spirituelle de leur propre Voie.

Et c’est pour cela que l’Aïkido a pu être mis sous la tutelle du Ministère des Sports, car pour eux, il s’agit seulement d’une activité sportive à diriger (ou gérer…). De cette manière, ils font disparaître de cet art gestuel l’Esprit qu’y avait insufflé Me Ueshiba.

Désacralisation afin d’exploiter la facilité inculte, au profit de quelques-uns.

Le principe/pilier du jour :                      la Verticalité

Le cœur du jour :                                       Jue Shin :      avoir profondément envie

La qualité de mouvement                      Song :           lâché

Les mots du poète                                  

« Ne soient confondus Aïkido et Technique d’Aïkido ;

Ensemble ils constituent le Fond et la Forme »

                                                                      

                                                                      "Pour qu’une idée soit vraiment universelle

                                                                      Il faut que son fond dépasse,

                                                                      En profondeur,

                                                                      En largeur,

                                                                      En hauteur,

                                                                       Sa forme

                                                                      Qui n’est que le revêtement par quoi on l’identifie."

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